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Méditation artistique

Il se passe des choses très intéressantes en moi depuis que j’ai laissé les médias sociaux. J’avais déjà une idée de l'ampleur de la dépendance et des effets pervers de ceux-ci, mais je n’avais pas réalisé à quel point les racines du mal s’enfonçaient loin. J’ai dû mettre ma pleine conscience sur le dossier pour ne pas paniquer et observer les vagues de réactions et de prise de conscience au jour le jour.

 

En tant qu’artiste, ma création est avant tout visuelle. Cela implique une communication, donc un échange entre un vecteur et un public, et de nos jours, on ne peut pas penser à public sans penser à internet. J’ai eu un long dialogue interne autour de fait que j’avais BESOIN des réseaux pour le travail, pour ma promotion. On se dit qu’en 2021, c’est un incontournable et ceux-ci m’ont vraiment aidé à construire ma clientèle et ma réputation. Mais aujourd’hui, alors que j’en suis plutôt à chercher des moyens de ralentir, mais aussi “raffiner” les projets entrants, je sens que le broadcast m’épuise et je n’ai plus le cœur de trier ou de dire non aux gens qui me contactent. Alors j’ai décidé pour me rassurer et faire taire ma petite voix intérieure de le voir comme un test. Une expérience. Bref, j’ai quitté Facebook et Instagram depuis quelques semaines maintenant.

 

De toute l’histoire de l’humanité, l’art a avant tout été consommé en personne, en relation intime avec l’objet. J’ai écrit longuement sur comment le tatouage est vivant, éphémère, en transformation avec ceux qui le portent. Mes œuvres, j’avais en tête que je les laissais aller vivre leur vie sans attachement, mais je vois, à présent, que j’ai accumulé une petite collection de photos que je refuse de mettre sur les réseaux, mais qui je ne sens pas qu’elles ont leur place sur mon site web, que je suis bien attachée à la diffusion, au feed-back instantané, à la validation virtuelle qui m’a nourri toutes ces années.

 

Pour transcender cet inconfort, cette idée égotique que mon travail doit être vu, je dois de nouveau me tourner vers ma conscience spirituelle. Celle qui me rassure que le travail est bel et bien vu, peut-être anonymement, mais que l’appréciation et le “higher-work” se fait ailleurs, loin de ma conscience. 

 

Je ne peux m’empêcher de penser à ces moines bouddhistes et leurs magnifiques créations de sable. Tant de maîtrise et de dévouement pour un art éphémère. Ces gens ont compris l’essence de la création pour le plaisir de donner le meilleur de soi, sans attachement. Ils ont compris par ce yoga le sens du vrai “service” spirituel, c'est-à-dire de dédier son énergie à un acte qui prend sa valeur en lui-même, dans son processus, pas dans son résultat.

 

C’est très beau de comprendre tout ça en concept, mais pour nous occidentaux, c'est très dur à avaler. Mais j’ai envie d’essayer.

 

J’ai souvent des vagues de dépression entourant mon travail artistique personnel (mes dessins, peintures et gravures) car en l’absence de monétisation ou de reconnaissance, je me dis souvent “à quoi bon?”, Et c’est un état psychologique que je déteste. Tellement toxique. Je sens encore en moi la petite fille qui a envie de passer son dimanche assise par terre dans le sous-sol chez ses parents, entourée de crayons-feutres et de papier, à écouter les dessins animés d’un œil, mais trop absorbée à créer son propre univers. L’internet n’existait pas dans ce temps-là. Elle s’en foutait raide que qui que ce soit voit ses créations. Elle le faisait pour le plaisir de le créer et de vivre dedans pour un moment.

 

Une déconstruction similaire s’opère autour de mon écriture, car auparavant mon principal mode de diffusion était Facebook. Aujourd’hui, je dois écrire par pur souci cathartique, ainsi du nombre limité d’abonnés à ce fil, seule une petite fraction de gens lirons cet article jusqu’au bout. Il s’agit simplement d’un processus personnel de coucher mes pensées sur le papier pour mieux les comprendre, sans essayer de convaincre personne ni de vendre quoi que ce soit.

 

Je remets le tout sur une foi métaphysique que, les gens qui ont besoin de lire mes mots ou voir mes œuvres le feront. Même si c’est seulement une personne. Et qu’en travaillant dans l’ombre, sans tambours ni trompettes, cela laisse place à mon travail d’évoluer organiquement, loin de l’opinion des autres, pour ne rien servir d’autres que ma propre expression et communion avec ce qui m’habite.

 

J’ai besoin d’impliquer “le monde” un peu moins et “l’univers” un peu plus. J’ai envie d’un processus contemplatif et inspiré. J’ai besoin d’être connecté pour vrai. Avec la vie, avec l’univers, avec ce qui se passe en dedans.

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