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Mahakali et le féminin divin

Au niveau physique et personnel, il m'est facile de m’identifier aux aspects les plus sombres et les plus destructeurs du féminin divin. Naître dans un corps de femme n'est pas une blague. Depuis mon plus jeune âge, je me bats avec les attentes : j'étais à la fois indignée et incrédule face aux règles imposées à mon corps et à mon comportement. Je ne les comprenais tout simplement pas. J'ai eu la chance de grandir dans une famille alternative qui a embrassé mes différences, mais la vie en société m'a rapidement remis à ma place : ma confiance en moi a diminué et j'ai commencé à me demander ce qui n'allait pas chez moi. Évidement, je voulais être aimée, et la seule façon de l'être semblait à travers la servitude envers le sexe masculin, en refoulant mes aspérités dans une douceur agréable, me pliant à une sexualité servile, en devenant une coquille vide à remplir de la volonté et aux désirs d'un autre. Je me suis retrouvée dans de nombreuses situations et relations abusives, mais ça n'a pas fonctionné bien longtemps. 

 

Au début de l'âge adulte, j'ai réalisé tout ce qui n'allait pas avec le patriarcat et j'ai commencé à me rebeller contre lui. Parfois, je ressentais une rage profonde si forte que je craignais mon propre pouvoir destructeur. Je sentais que si je pouvais crier et exprimer toute cette colère, les fenêtres se briseraient et des gens mourraient. J'ai commencé à marquer mon corps de manière extensive et à récupérer lentement chaque aspect de ma vie afin de devenir l'être libre et actualisé que je suis aujourd'hui. De plus, j’ai dû lutter et repousser de nombreuses formes d'oppression, certaines plus flagrantes que d'autres, et risquer le rejet du genre, mais aussi de la société à laquelle j'essayais tant de plaire. 

 

Mahakali est représentée comme une déesse vengeresse et sa sexualité ne saurait être refoulée. Bien qu'effrayante, son époux Shiva ne la craint ni ne la méprise. Il se couche à ses pieds et l'accueille pleinement avec le sourire. J'ai la chance aujourd'hui d'avoir un partenaire de vie aussi merveilleux. Kali est dévoreuse de démons (et d’égo), accomplissant ainsi un puissant acte de transmutation et de purification : elle nettoie le monde du mal et de l'ignorance afin de le libérer. Dansant parmi les morts, elle nous rappelle aussi le caractère transitoire de notre vie incarnée. En tant que mère primitive, elle nous rappelle que la mort et la décomposition sont la première étape et le terreau fertile de toute vie. 

 

Sur le plan spirituel, je dis souvent que je ne m'associe ni au féminin ni au masculin. Je sens que mon âme équilibre parfaitement les deux archétypes et je ne sens même pas que les genres importent. Mais l'archétype de la Déesse est toujours d'actualité dans le principe du réceptacle, l'élément passif et la matrice de toute création. La plupart de ma vie, j’ai incarné un aspect plus actif : Le « magicien », le faiseur, l'aventurier, le créateur. J'ai poursuivi sans relâche mes objectifs, presque de manière forcée, et, en obtenant mes désirs, j'ai appris à la dure de faire attention à ce qu’on souhaite.

 

Lorsqu’on recherche activement et garde les yeux sur le prix, il est facile de manquer des indices subtils de l'univers que l’on ne va peut-être pas tout à fait dans la bonne direction. Je veux dire, toutes les directions sont « bonnes » si on pense en termes de leçons à apprendre, mais j'arrive à la conclusion qu'il y a une manière beaucoup plus simple et plus douce, une manière féminine, de définir nos intentions et d’attendre patiemment dans une attitude de réception. Dans la Foi et la Confiance réside la plus grande magie : la conscience d’être témoin de l’univers se déroulant devant nous, nous accordant encore plus de richesses et de générosité que nous n’en avons jamais souhaité. 

 

C’est là que j’apprends à vivre maintenant. Pas en passivité, mais en réceptivité active. Participer au déroulement, mais réagir à la danse au lieu de l'initier, économisant ainsi beaucoup d'énergie précieuse. Ce potentiel résiduel est plutôt dirigé vers l'intérieur, nourrissant ce qui est en gestation, de sorte que, le moment venu, je puisse libérer généreusement et sans effort mes fruits et rendre en abondance ce que la Volonté de l'Univers (ou principe masculin) m'a imprégné. C'est ça la Déesse, c'est ça la «maternité». Il ne s’agit pas de servitude et de sacrifice, mais de danser dans une créativité et une résilience illimitées, à travers le paysage rempli de démons qui est ce plan d’incarnation. 

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