Disclaimer : L’article qui suit est pas mal un gros vomi émotionnel que j’avais besoin de sortir de moi une fois pour toutes.
Comment je suis passée de successful tattoo artist a spiritual freak ? Je pense que la première partie de la réponse se trouve dans la question : comment je suis passée d’enfant-ado awkward à successful tattoo artist. Cette quête d’identité douloureuse m’a toujours maintenu (par choix, il faut dire) en marge de la société « mainstream ». J’ai toujours senti que je voulais être ailleurs et que je n’avais pas ma place « ici ». Pour moi, le tatouage a d'abord été une façon d'extérioriser cette marginalité. Jeune adulte, je pouvais finalement être un peu « moi », différente, colorée, mais quand même “cool”. Les arts sont devenus mon moyen d’expression, sur ma peau et celle des autres. Mais je pense que je n’ai jamais été une « vraie » artiste. Dans le sens que mon réel talent et là où je me situais à part des autres dans ma jeunesse était dans ma curiosité sans bornes, mon esprit critique, mon désir insatiable de pousser plus loin les limites, de ne pas me satisfaire de ce qui se trouve dans les livres et une fascination immense pour la science et l’univers. Je suis la fille qui a grandi entre le camp spatial, son abonnement à science et vie et la bibliothèque ésotérique de son père. Donc marcher hors des sentiers battus est ma spécialité et avec mes études en design graphique et mon expérience en publicité, saupoudrez un peu de débrouillardise et d'acharnement et l'avènement d’une carrière d’artiste autonome à succès s’ensuivi. J’ai pendant longtemps construit mon identité autour de cette carrière, autour de mon apparence et autour de cette culture qui me semblait celle où j’avais le plus ma place, à défaut de quoi que ce soit d’autre. Mais les cultures changent et évoluent… et après un burnout et beaucoup de gestion d’anxiété, j’ai compris que toute ça, c’était pas moi. Que je vivais la vie de quelqu’un d’autre. Quand j’ai ouvert le RubyCherry Shop, j’ai voulu avant tout créer un environnement qui faisait « moi » et à travers toute une ride de montagnes russe, j’ai finalement commencé à retrouver un sens de qui je suis au fond. Mais pour ça, il m’a fallu peler et peler des dizaines de layers et de croyances bien ancrées. Il m’a fallu déconstruire tout un univers.
Toutes les années ou j’ai pratiqué le tatouage je me suis ancré dans un sens du beau. Puis tranquillement est survenu un désintérêt de l’art au profit de l’expérience. D’une part l’expérience partagée avec les gens que je tatoue, mais aussi quelque chose comme la vraie expérience de la beauté, de la lumière. La nature est parfaite en soi, l’art est un langage imparfait. Je suis juste une interprète. J'avais besoin de perdre le goût de dessiner pour retrouver le goût d'écrire. Je ne me suis jamais considérée comme une personne très créative, mais plutôt attentive à l'harmonie (des formes et des couleurs. Ça marche aussi pour les mots sur le papier. Il suffit d'être à l'écoute du rythme.) Je n’ai plus envie de créer des choses inertes et surtout pas d'apporter plus de matériel en existence. Je n’arrive plus à être en harmonie avec l’idée de créer de la marchandise à l’effigie de mes images, prints ou autre. Je pense que la seule chose que je peux vraiment laisser derrière moi est quelque chose qu’on pourrait qualifier de signature énergétique, dans les gens que j’ai vus et les lieux que j'ai visités. À la limite, je suis ok pour créer un art vivant qui marque les gens, mais plus que tout, j’ai envie de marquer les pensées et créer des émotions intenses. Une impression. J‘ai un skill à partager, mais au final ce qui m’intéresse, c'est vous.
Chassez le naturel et il revient au galop… ou essaye d’enterrer ton passé et il te reviendra dans la face. Mon naturel a les yeux tournés vers le ciel et les étoiles. Mon naturel s’émerveille de l'immensité de l'univers et désire y trouver sa place ultime. Très jeune déjà, je faisais beaucoup de rêves étranges. Je sais que je posais beaucoup de questions à caractère spirituel à mes parents. Je me souviens m'être enfermé dans le « sanctum » de mon père pendant des heures à manipuler ses objets rituels, à regarder les parchemins ésotériques sur les murs, à prier. Prier quoi je sais pas. Je pense que j’avais déjà un dialogue avec mon âme (ou mon Higher Self) et des fois, j'avais aussi des « amis imaginaires ». Je me rappelle avoir imposé les mains à mes petites amies ou aux plantes pour les guérir ou les aider à pousser.
Un jour, je suis tombée sur un livre qui parlait de voyages astrals. On parle du début des années 90 ici. Je me souviens avoir été hautement intéressée par le phénomène et l'idée de pouvoir aller me promener partout à ma guise pendant la nuit me semblait la chose la plus cool ever, surtout pour moi qui vivais tellement de difficulté dans mon quotidien, autant au niveau social que physique (j’étais constamment malade étant enfant). Donc j’ai essayé de trouver tout ce que j'ai pu sur le sujet et tenté largement de quitter mon corps à tous les soirs avec les méthodes alors à ma disposition, mais sans succès. Après quelques années, j’ai abandonné le projet.
Ce que j'ai tant désiré à un moment m'a finalement été accordé au moment où je m'y attendais le moins. Au moment où j'en avais vraiment pas besoin. Ayant réussi et après avoir acquis une certaine « renommée » dans mon domaine, pourquoi chercher à risquer mes acquis, ma réputation pour une réalité alternative qui allait me marginaliser encore plus ? Mais je pense que rien ne pourrait arrêter la vague en mouvement.
Dans mon exploration du New Age, de l'ésotérisme et l’ouverture d’une toute nouvelle sphère culturelle à ma portée, j’ai encore une fois dû me tailler une place, me créer de nouveau repères et réaffirmer mon identité. Sur le coup, j’ai eu l’impression d’avoir enfin trouvé la famille que j’avais tant cherchée, celle que je n’avais pas trouvée dans la jungle du tatouage. J’ai rencontré des mentors, de gens qui m'ont pris sous leur aile, des gens convaincus de mes « dons exceptionnels », des médiums et clairvoyants comme j'avais jamais même cru l'existence possible. Mais ultimement, j’ai dû me rendre à l'évidence qu’encore une fois, dans ma quête personnelle, dans mon expérience directe qui sortait encore une fois du cadre confortable des paramètres reconnus par le collectif, mes idées, mes concepts et mes messages commerçaient à déranger. J’ai perdu des amis, j’ai coupé contact avec mon réseau, j’ai pris un break.
D’un côté, j’ai déjà l’habitude d'être marginalisée. Je suis tatouée jusque dans le front (littéralement) et j’ai un style vestimentaire assez visible même de loin. Les regards en coin sont mon lot quotidien. Mais y a une marge à se faire juger pour ce qu’on a l’air et se faire juger pour ce que qu’on est. De l’autre, je pense qu’une partie subconsciente craint toujours de finir à l’asile, enfermée, peut-être la même part qui se souvient avoir passé au bûcher une coupe de fois avant de s’incarner ici. Surtout ne pas diffuser de l’information qui donnent aux gens du « pouvoir ». Sur leur corps, sur leur âme…
C’est si ancré de se définir par ce que les autres pensent de nous. Par une étiquette ou une autre. Moi qui fais la guerre aux étiquettes depuis si longtemps, en voici une coupe pour vous : schizophrénie, dépression, trouble anxieux, personnalité borderline… C'est si rassurant d’avoir un diagnostic. Dans mes pires épisodes de dépersonnalisation (plus savoir qui je suis ou même si j’existe), ou parmi toutes les « voix dans ma tête », je me suis bien demandé si j’étais schizophrène. Puis je me suis demandé, c'est quoi ça veut dire être schizophrène, à part de donner une étiquette. Je me suis demandé si j’étais potentiellement dangereuse pour moi-même ou pour les autres. À ce point-ci, je peux certainement dire que non. Je me suis demandé si je serais plus heureuse avec une petite pilule. Je ne le pense pas non plus. La réalité, c'est qu’on est tous un peu fous.
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